Voici un tour des notions histoire de ne pas alimenter des confusions et les solutions pour aiguiser vos couteaux.
L’aiguisage
Cette procédure devient obligatoire lorsque le couteau ne coupe plus, elle va forcément enlever de la matière à la lame. On va remettre le couteau en état de couper avec une pierre ou une céramique.
L’affûtage
C’est l’entretien régulier de la lame du couteau. On utilise un fusil d’affutage. Pour affûter, il faut tout simplement faire glisser toute la longueur de la lame sur un fusil et en mouvements réguliers. Cette action se fait généralement avant chaque coupe, pour permettre au couteau de conserver un bon tranchant.
L’affilage
Le mot tenant son origine de la racine « fil », il s’agit tout simplement d’un procédé pour redonner son fil, c’est-à-dire son tranchant à un couteau. Lors de l’affûtage, il reste sur le fil de la lame une « bavure » (morfil) qu’il faut enlever. Cette opération se fait en passant la lame sur une bande de cuir ou un feutre.
Dans l’idéal, nous aimerions un couteau facile à aiguiser et qui garde son tranchant longtemps. En pratique, à part quelques exceptions, on en a souvent l’un ou l’autre. Le simple fait d’utiliser un couteau pour manger et de couper les aliments dans une assiette tue le fil du couteau et conduit à le réaffuter dans pas trop longtemps. En cuisine pour économiser le fil de son couteau, il est conseillé de couper sur une planche en bois ou en plastique.
Les parties d'une lame
Dos : Le dos d’une lame est la partie opposée au tranchant.
Émouture : C’est la partie de la lame qui est affinée selon un certain angle pour aboutir au tranchant.
Tranchant : C’est la partie de la lame affûtée à la meule et destinée à couper. Le tranchant peut n’exister que sur un des côtés de la lame (chisel).
Fil : Une lame tranchante comporte une arête vive appelée « fil ». Le fil est la partie qui pénètre en premier dans la matière que l’on coupe ; c’est lui qui va supporter la pression de coupe et effectivement rompre la matière à couper.
Vu au microscope, ce fil ne présente pas un angle vif, mais un très petit arrondit. Le but de l’aiguisage est de minimiser le rayon de cet arrondi, afin d’augmenter la pression de contact entre la lame et la matière à couper (la pression est inversement proportionnelle à la surface de contact pour une même force appliquée).
De plus, le fil n’est pas régulier. Il comporte des oscillations latérales ou verticales, des endroits où la matière manque (criques, écaillements…), ou encore des stries ou des dents plus ou moins visibles à l’œil nu ou au microscope. Ces défauts ou irrégularités peuvent contribuer positivement ou négativement au tranchant.
Le fil, c’est la partie qui coupe.
Aiguiser son couteau avec une pierre
Pour moi l’aiguisage est un moment de détente, surtout avec des pierres japonaises !
On distingue 3 grandes familles de “pierre”, celle qu’on utilise à sec, celle qui demande de l’eau et celle qui utilise de l’huile. Mes préférences vont aux méthodes à sec et à l’eau. Je trouve l’huile plus contraignante, car une fois huilée, on est obligé de rester à l’huile sur la pierre. Cette huile est normalement un dérivé de pétrole et on ne le remplacera pas par de l’huile végétale. Cela veut dire, le plus souvent acheter ce consommable … De plus l’huile encrasse beaucoup la pierre et elle perd rapidement de son efficacité.
La plupart des pierres naturelles demandent une lubrification. Le lubrifiant assure deux rôles distincts : assurer le refroidissement et la suspension des particules.
- Refroidissement
Les frottements qui sont à la base de l’aiguisage engendrent un échauffement du métal de la lame. Or on sait qu’un tel échauffement est préjudiciable en ce qu’il peut annuler le traitement thermique. Sur une pierre plate où l’énergie est fournie par l’utilisateur, une simple « flaque d’eau » sur la pierre suffit au refroidissement, mais les meules montées sur un touret électrique requièrent un bain en pied de meule, voire un arrosage avec un débit élevé pour évacuer la chaleur.
- Suspension des particules
L’abrasion du métal et de la pierre crée de fines particules métalliques et minérales. Le jus ainsi formé va augmenter l’efficacité de l’aiguisage.
Il faut toujours aller vers le tranchant, comme pour couper une fine tranche de pierre. C’est basique, mais ça marche !
Si le couteau est particulièrement difficile à aiguiser, vous pouvez aussi faire des cercles.
Quelle que soit la méthode utilisée, il est important de respecter le même angle pendant l’aiguisage. C’est la clé d’un aiguisage efficace et c’est forcément la partie la plus difficile à acquérir. C’est aussi le plus gratifiant quand on y arrive …
On choisit l’angle en fonction de l’usage que l’on veut faire de l’outil. Un angle faible donne un fil très coupant, mais fragile ; un angle obtus donne un fil moins coupant, mais plus robuste. Une fois l’angle choisit, le coup de main va apporter de conserver cet angle et c’est le plus dur !
Posez votre couteau à plat sur la pierre. Relevez le dos de la lame et formez l’angle voulu. Faites une série d’affûtage sur une face, retournez votre couteau et faites le même nombre de l’autre côté. Un nombre égal de passages doit être réalisé pour éviter une asymétrie.
Pour finir alternez un côté, 1 passe, puis l’autre côté, 1 passe et ainsi de suite …
Les couteaux que l’on achète viennent déjà avec un angle prédéfinit et on arrive à le sentir sur la pierre (avec de l’entrainement cela sera plus évident).
Angles d’affûtage
L’angle de tranchant idéal dépend du type de couteau et du domaine dans lequel on l’utilise. Un petit angle de tranchant (25°) coupera facilement mais sera également plus susceptible d’être usé et endommagé rapidement. Un plus grand angle de tranchant (40°) donnera un tranchant plus solide qui durera plus longtemps.
Plus l’acier est dur, moins le tranchant disparaitra rapidement, mais ils demanderont plus d’effort à l’aiguisage.
Couteaux à sculpter le bois
Couteaux à trancher, à lever les filets et à parer
Couteaux de boucher, de cuisinier et de cuisine
Couteaux de chasse et de sport
15 -17 ° d’angle – Le 15 est utilisé sur les couteaux japonais. Le 17 pour les lames de rasoir, X-Acto, scalpels ou des outils similaires. N’oublions pas plus l’angle est aigu, plus le fil est fragile, il faudra affiler souvent !
25 – 30 ° d’angle – Un angle couramment utilisé pour les lames de qualité supérieure. Souvent utilisé en cuisine. On trouve certaines lames à 20° tout de même.
30 ° d’angle – Un angle pour des couteaux d’utilisation intensive
Si vous êtes à la recherche d’un compromis, 25 ° d’angle est recommandé pour la plupart des couteaux qui ont besoin d’une solution assez durable et tranchante.
À RETENIR
- L’angle du tranchant doit être parfaitement régulier.
- Plus l’angle est aigu, plus la lame aura une découpe “rasoir”, mais plus elle sera fragile.
- Plus cet angle est obtus, plus il va pouvoir attaquer des matériaux durs sans broncher.
- Plus un acier sera dur, plus il sera difficile à affûter, mais plus son tranchant sera durable. En outre il supportera plus facilement un angle aigu.
- Plus un acier est doux, plus il s’affûte facilement, mais … il s’use vite et il est nécessaire de recréer l’angle de tranchant au bout d’un certain nombre de réaffûtages.
Affilage au cuir
Pour terminer l’aiguisage, on peut utiliser un cuir pour l’affilage (on peut utiliser le revers d’une ceinture bien tendu). On fait une dizaine de passes de chaque côté. Le geste à accomplir est l’inverse de celui décrit avec une pierre. Le mouvement de va-et-vient est “fuyant”: Le dos de la lame vers l’avant quand on pousse, le dos de la lame vers soi quand on tire. On utilise un angle quasi nul, la lame bien à plat sur le cuir. Cette étape va optimiser terriblement votre aiguisage.
Le matériel pour aiguiser
2 catégories s’affrontent, celle des puristes avec les pierres et celles des méthodes modernes qui vont vous aider à conserver le bon angle.
PIERRE JAPONNAISE
Comme beaucoup de choses venant du soleil levant, la méthode japonaise confine à la spiritualité ! Elle donne un résultat impeccable, mais demande du temps. Du temps surtout à l’apprentissage, car quand on maîtrise la technique, on aiguise assez vite une lame. La sensation de glisse sur une pierre à eau est géniale, on sent très bien avec un peu de pratique l’inclinaison qu’il faut donner à la lame et s’est un réel plaisir que d’utiliser cette méthode. Une pierre de grain 1500 couvrira bien vos besoins. Une autre de 3000 vous fera une bonne finition, mais c’est déjà optionnel.
Les pierres portent des numéros, plus il est élevé plus le grain est fin. On immerge la pierre pendant une dizaine de minutes dans l’eau. Souvent elle vient avec un socle muni de patins antidérapants très pratiques pour stabiliser la pierre pendant l’affûtage. Au fil de l’aiguisage, une boue se forme sur la pierre, cette boue composée de particules d’acier augmente l’abrasion. On peut aussi l’utiliser avec un coton, pour polir et éliminer les taches d’oxydation des lames.
On utilise aussi une pierre de rectification ou appelée pierre à dresser pour rectifier la pierre (celle où l’on aiguise) de temps en temps. Cette opération vise à réaplanir la pierre. À force d’utiliser la pierre, on la déforme, d’autant plus qu’on utilise souvent une zone plus que l’autre. On utilise soit une pierre plus dure, soit une pierre diamantée (j’ai acheté une diamantée (photo de droite) chez Doma et j’avoue que c’est la meilleure des 2 solutions, article prochainement).
De nos jours, 95% des pierres japonaises destinées à la coutellerie sont artificielles, c’est à dire synthétiques. Quand vous voyez un prix de fou … c’est une naturelle.
LES PIERRES NATURELLES
On peut trouver des pierres naturelles moins chères que les japonaises, pierres blanches de l’Arkansas (Novaculite) formées de fossiles de coquillages compactés depuis des millions d’années. Cette pierre n’est pas mesurée en grains, mais en dureté, de la pierre soft, à la hard Arkansas Stone. Il y a aussi les pierres de Pyrénées, la coticule belge, les pierres scandinaves et japonaises. La rareté fait les prix, ils iront donc tous vers le haut.
LES PIERRES SYNTHÉTIQUES
On trouve les pierres diamantées. Il s’agit de diamants industriels concassés et inclus dans une nappe d’acier ultra-dur. La majeure partie est en utilisation à sec, mais on trouve des pierres diamantées , comme chez DMT ( Diamond Whestone DMT ) qui s’utilise avec de l’eau, ce qui atténue l’échauffement de la lame pendant l’aiguisage.
Les alvéoles de surface de la DMT sont destinées à conserver l’humidité lors de l’utilisation et à stocker les débris d’acier de la lame.
On y trouve aussi les pierres céramiques. Elles sont idéales pour un affûtage régulier, car c’est une pierre douce qui reprend de tranchant sans enlever trop de métal aux couteaux. composées de carbonate de silice ou d’oxyde d’aluminium, ce qui assure un grain régulier et stable.
Si vous êtes sur Paris, vous pouvez faire un stage pour apprendre la technique sur pierre japonaise. Marina qui propose cet atelier a officié au japon et vous avez la garantie d’avoir le bon geste. J’avoue qu’il faut se méfier de pas mal de vidéos sur le Net qui essayent de vous apprendre la technique d’une très mauvaise façon. Elle vend par ailleurs de très bonnes pierres (y compris en livraison) et des couteaux japonais.
Les systèmes modernes d'aiguisage
Ils se basent tous sur un aiguisage à sec avec des pierres synthétiques. Ils vous aident à conserver un angle constant facilement. C’est une bonne solution si vous ne voulez pas vous prendre la tête et si vous désirez rapidement aiguiser. Ces systèmes permettent un déploiement facile.
LES SYSTÈMES LANSKY
Le plus petit prix des modèles présentés et certainement le plus beau.
Les bâtonnets en céramique se logent astucieusement dans le bloc, qui sert aussi de support d’aiguisage. Le grand intérêt de ce modèle est de garantir l’angle d’affûtage !
En fait, sur le dessus se trouvent des trous dans lesquels se logent les bâtonnets. Ces trous servent de gabarit pour l’angle voulu. Il y a une série à 20° et une autre à 25°. Il suffit ensuite de laisser glisser sa lame bien perpendiculairement et on assure une constante dans l’angle.
Le système est à sec, c’est donc rapide à mettre en œuvre et facilement transportable, j’adore le look est on peut dire que c’est un bel objet ! De temps en temps je nettoie les bâtonnets avec un tampon vert pour la vaisselle, cela décrasse des résidus d’acier et redonne un aiguisage performant. Ce n’est pas les céramiques les plus performantes de la sélection, mais c’est le meilleur rapport qualité / prix.
4 tiges céramiques (2 marrons à grain moyen et 2 blanches à grain fin)
Spyderco Tri-Angle Sharpmaker.
C’est un peu la Rolls des solutions portatives. C’est un sans faute. Les céramiques sont de meilleures qualités que celles du Lansky mais le prix s’en fait sentir. Il reprend le même genre de rangement compact, mais dans un étui au look moderne. Inclus quatre pierre en céramique de forme triangulaire, deux fines et deux médium.
Angle de 40°, 30° et 12.5° pour des ciseaux.
On peut voir sur la photo ci-dessous en plus des tiges céramiques, des tiges en acier. Elles sont censées protégées la main qui tient l’appareil, on peut franchement s’en passer.
Système d'aiguisage Edge Pro Apex
Si le système Spyderco était une Rolls, là on est dans la double Rolls. Ce n’est pas un système que je possède, mais il est tellement reconnu que je devais de le placer dans cette sélection. Le système est différent des 2 autres, puisque c’est le couteau qui est fixe et les pierres qui sont mobiles. C’est une solution très efficace, par contre c’est plus long à mettre en œuvre et elle enlève certainement plus de matière, mais c’est d’une efficacité énorme. C’est le summum dans les tranchants rasoir manuels facile. On trouve désormais pleins de copies, la plupart Chinoise sur lesquelles je ne me prononcerais pas.
